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Vendredi 13. Le premier depuis le début de la guerre. Je ne suis pas superstitieux, et pourtant cette date a résonné en moi d'une façon qui m'a surpris. La peur ? De mourir ? Que ce jour me soit néfaste ? Nous, les agents de liaison, avons plutôt tendance à nous jouer de la mort. A zigzaguer entre les occasions d'être fauchés par les balles ou les éclats. Les trous laissés par les obus sont, d'ailleurs, souvent, nos meilleurs alliés. Courir, sauter, se cacher, nous jouer des obstacles est notre occupation préférée. Mais toute la journée, je n'ai cessé de penser au pire. Pensé à mes parents. Pensé au petit Gabriel. Pensé à Marguerite. J'aurais pu mourir aujourd'hui sans qu'ils s'en doutent. J'y pense rarement d'habitude. Effet du vendredi 13 ? Ou effet de la canonnade quotidienne, qui nous a arrosés entre 12h et 16h, sans discontinuer ?! Nettement plus violente que d'habitude. 4 heures à entendre le sifflement des obus, à sentir le sol vibrer quand ils éclatent, à rentrer la tête quand volent les éclats, à être recouverts quand la terre retombe sur nous. J'en ai encore les oreilles qui bourdonnent. Et la tête embrumée, comme après une cuite au pinard. Puis le silence. Inquiétant. Presque angoissant. Le silence pendant lequel on attend inconsciemment le prochain sifflement. A se demander ce qui va arriver ensuite : Une reprise des tirs ? Un assaut ? Rien n'est venu. Sauf le Poireau. Le Général commandant la 6e division, qui n'a rien trouvé de mieux que de venir inspecter les tranchées en fin de journée. Remarque, ça nous a un peu changé les idées. Ça nous a fait une visite, comme on dit ! Comme celle de la vieille tante le dimanche après-midi, quand j'étais au Havre. Suivie de l'incontournable promenade au bord de la mer. Finalement, guerre ou paix, les rituels sont les mêmes. Sauf qu'on n'était pas dimanche. Qu'il n'y a pas la mer. Que je suis saoul de bruit et d'acier. Vendredi 13.