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Jeudi 12 novembre 1914 - Secteur Cormicy/Sapigneul

La nuit s'annonce interminable. Nous sommes de retour en 1ères lignes depuis hier. La relève s'est effectuée dans la nuit du 10 au 11. Chaque bataillon a repris ses positions, et la routine des tranchées et des escarmouches a repris son cours. La pluie a trempé les positions, et les missions se font désormais dans une espèce de gadoue infâme et collante. Epuisante. Phénomène accentué par le fait que les boches ont fait sauter la voûte du canal il y a 2 jours, inondant une partie des boyaux de communication. Le plus drôle est qu'il ont également inondé leurs propres positions, presque davantage que les nôtres ! Ils doivent sacrément patauger eux aussi ! L'"arroseur arrosé", c'est cela, non ? Au-moins une nouvelle hilarante pour égayer la journée. Quelle rigolade !

A cela s'ajoutent les canonnades répétées. Etrange routine aussi. J'ai lu tout à l'heure - indiscrétion alors que j'étais au PC du Colonel, un extrait du journal des marches et opérations du régiment. Pour hier il était écrit : "Rien de particulier. canonnade sur les tranchées." Drôle de synthèse de la journée. Je canonne, tu canonnes, nous canonnons ... et tout est normal ! Rassurant, presque, si j'en crois cette phrase du journal. Qu'adviendrait-il donc d'une journée sans canonnade ? Une journée de perdue ? Ainsi, tout est conforme à l'attendu. Vers 15h, des obus ont été tirés sur le PC : RAS ! Normal ! Au moins, on a eu l'impression de faire la guerre, depuis nos trous à rats. On existe, puisque l'ennemi nous tire dessus. Bon, ce n'est pas comme ça qu'on va le renvoyer chez lui, mais c'est sûrement un début dans l'esprit du commandement. Ça va pouvoir durer longtemps ce petit jeu. Si on ne sort pas pour leur botter le train, on va pouvoir se regarder en chiens de faïence pendant un moment ! C'est pas à ce rythme qu'on sera rentrés pour Noël !

Me voilà donc de nouveau boueux, trempé, glacé jusqu'aux os. A grelotter dans cette froide nuit de novembre. Qu'est-ce que je fais encore là ?! Le pluie ne s'arrête pas. Les abris précaires nous protègent à peine. La nuit est l'heure des états d'âme, du mauvais sommeil, des réveils en sursaut pour ceux qui réussissent à s'endormir quelques instants. J'en entends qui ronflent. D'autres qui râlent, parlent en dormant. Se cognent contre leur arme ou leurs gamelles. J'ai sommeil, mais j'ai mal. La douleur du froid et de la fatigue m'use les nerfs. Subir les tirs ennemis toute la journée, aussi. Qu'on monte à l'assaut et qu'on en finisse. Une bonne fois.

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