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Jeudi 19 novembre 1914 - Secteur Cormicy/Sapigneul

Après une semaine d'un ennui mortel, nous avons repris nos positions en 1ères lignes la nuit dernière. Une vieille habitude. 3h du matin, mise en route. 4h30, fin de la relève. Et hormis les canonnades quasi-quotidiennes, rien à signaler durant cette semaine passée. Les tâches domestiques ont prévalues. Le régiment a reçu des renforts. Semaine monotone. Et encore plus longue avec les conditions atmosphériques qui se dégradent au fil des jours. La sensation de vivre la nuit est déprimante. Je n'ai pas le moral, et l'inactivité est encore plus pesante. On tue le temps, à défaut de tuer des boches. Mais qu'est-ce qu'on fait là ?! J'ai l'impression de perdre le sens des réalités. De perdre le sens du temps. De vivre une manœuvre qui durerait un peu trop longtemps. Comme une mauvaise farce. Quel but a tout cela ? Avancer ? Reculer ? On est plantés là, presque sans objectif tangible. On échange des tirs et rien ne se passe.

Quoique. Aujourd'hui, il a failli se passer quelque chose. J'étais au PC, quand est arrivée une pluie d'obus de 210. Et pas qu'un peu ! Sans discontinuer de 13h50 à 14h30 ! La maison a été détruite. Heureusement, un petit miracle s'est produit : ni blessés, ni tués. Depuis, le Colonel et son Etat-Major sont réfugiés dans la cave de ce qui fut la maison bleue.

Et finalement, c'est la météo qui a eut raison des hommes. Rien qu'aujourd'hui, 9 évacués pour bronchite ou rhumatismes. Après les pluies, c'est le froid qui a envahi le secteur. il a fait -4°. Tout était gelé: l'eau, le matériel, les vêtements. Ça toussait, ça geignait. On se couvre avec tout ce qu'il est possible de se mettre sur le dos, sur la tête, autour des oreilles. On ne ressemble à rien. Et surtout pas aux fringants soldats qui sont partis en guerre dans la chaleur du mois d'août ! Mes pieds sont gelés. Mes doigts sont gelés. Je grelotte en permanence. J'ai le corps entier pénétré par le froid. Je ne pense qu'à ça. C'est à devenir fou. Evidemment, en 1ères lignes, les feux ne sont pas autorisés ! J'ai encore la chance de pouvoir bouger. L'exercice physique des missions devient salutaire. Mais les copains qui guettent dans les tranchées ?! Je profite aussi du poêle qui réchauffe le PC. Furtivement. Ne pas trop s'habituer. Sinon, le retour à l'extérieur n'en est que plus douloureux. Jamais eu aussi froid de ma vie. Envie de m'enrouler, de m'endormir. Echapper à ce cauchemar ...

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