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Mardi 24 novembre 1914 - Secteur Cormicy/Sapigneul

Le secteur est redevenu calme après l'attaque de dimanche. De 2h du matin à midi, les boches n'ont cessé de nous harceler. D'abord des attaques terrestres à la faveur de la nuit. Puis des bombardements lourds pendant toute la matinée. Sûrement en réponse à notre artillerie, qui a sévi pour empêcher leurs attaques de se déployer. Bref, une nuit en haleine. Et c'est là que j'ai compris qu'on n'était pas sorti le cul des ronces ! Nos défenses sont maintenant tellement efficaces, que les boches n'ont pas pu faire autrement que de venir s’emmêler dans nos réseaux de barbelés. Et comme ils ont les mêmes réseaux de leur côté, aucun de nous ne risque de bouger pour aller déloger l'autre. On est vraisemblablement encore là pour un moment. Les tirs d'artillerie ont donc eu raison de leurs attaques, et ils se sont rejetés dans leurs tranchées avec le petit matin. Le bruit court que l'artillerie aurait au passage causé quelques pertes chez nous aussi, en envoyant quelques salves trop courtes sur nos propres positions. 5 morts, parait-il. 2 sergents et 3 hommes. Comme si on avait besoin de ça ! Même plus besoin des boches pour faire le boulot. Sans compter le froid et la pluie qui nous causent déjà suffisamment de pertes : 40 hommes évacués pour maladie en 4 jours ! Tu penses : il a encore fait -5° vendredi.

J'ai aussi pensé à ma mère hier. Marie-Hélène. Rocques de son nom de jeune fille. C'était son anniversaire. Elle a eu 47 ans. Elle est née le 23 novembre 1867. A Saint-Martin de la Lieue, dans le Calvados. Je ne sais pas où c'est. Je ne suis jamais allé dans le Calvados. Ceci dit, je préfère le boire ! On aurait pu profiter du dimanche pour trinquer. L'oncle Eugène, frère de ma mère, serait venu nous visiter. Un bon repas. Une promenade ... Au lieu de ça, on est englués dans un marasme inextricable. Je bouffe froid dans ma gamelle, en grelottant. Et quand je suis sorti en promenade dimanche, ça a été pour porter des ordres aux chefs de bataillon. Ma mère est la deuxième épouse de mon père. La première, Alphonsine, est morte deux ans avant ma naissance. Je n'en sais pas plus. On n'en parle jamais. Ma mère est belle. J'aurais aimé l'embrasser.

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