Mardi 15 septembre 1914 - Loivre

Je suis épuisé. J'ai les yeux qui piquent. Aucun repos depuis 2 jours. Ou si peu.. un peu de sommeil volé par-ci, par-là. Je voulais de l'action, et bien en voilà ! Loivre à reprendre, Loivre à défendre coûte que coûte, Loivre, Loivre, Loivre... On s'est installés 500 m en arrière du village, occupé par les avant-postes du régiment. Les ordres sont de conserver la possession des écluses et des passages sur le canal. Je ne regarderai plus un pont de la même façon désormais.

Il y a deux jours, je n'avais même jamais entendu parlé de ce village. Une vie s'y était organisée, en dehors de la mienne. Et voilà qu'aujourd'hui, ce village (cette ville?) est le centre de mes préoccupations, pour ne pas dire de ma vie même. Peut-être vais-je la laisser ici d'ailleurs? Je préfère ne pas y penser.

Il faut tenir Loivre. L'artillerie boche nous pilonne. On joue "à toi, à moi" autour du canal. le copains tombent et on ne gagne rien. Pas même du terrain. Ce midi, on a reçu ordre de ne plus attaquer, pour limiter les pertes en hommes. On piétine. Les ordres se succèdent et se contredisent, parfois. Attaquer, tenir, attaquer, reculer, tenir encore... ne plus attaquer ! 320 tués, blessés ou disparus en 3 jours. Et au final, on est toujours à la même place :

500 m en arrière du village...