Mercredi 16 septembre 1914 - Loivre

Nuit de veille. Vers minuit, on a été alertés pour une probable attaque de nuit. On a donc passé la nuit postés, l'arme au poing, prêts à défendre nos positions... et la plus grande lutte a été de ne pas s'endormir ! Une nuit à grelotter, à ne plus savoir dans quelle position se mettre. C'est douloureux quand on ne peut pas dormir. La bataille est terrible. Bon, je ne dis pas que je n'ai pas sombré à plusieurs reprises, mais à chaque fois je me suis réveillé en sursaut, à me demander où j'étais, et avec la trouille d'avoir dormi trop longtemps et de me retrouver encerclé par les boches. Il y en a qui se sont fait prendre comme ça. Etre fait prisonnier dans son sommeil ! ce serait couillon quand même ! Je n'ose même pas imaginer la terreur de se réveiller avec un canon de fusil allemand braqué sur la figure. Et quelle gloire ! Finir la guerre comme prisonnier, passe encore. Mais rentrer à la maison à la fin, et raconter qu'on a été pris dans son sommeil, quelle honte ce doit être !?...Un truc à ne jamais rentrer, ça. A rester en Allemagne, pour ne pas avoir à boire le calice jusqu'à la lie.

Enfin, bon, ça ne s'est pas passé comme ça. A 5h, l'offensive à soit disant repris. Tu parles d'une offensive ! On a passé la journée à essayer d'avancer sous les coups de l'artillerie boche, dont le jeu semblait être de détruire le plus de maisons possible dans Loivre. Ben ils ont pas mal réussi les bougres ! Tellement qu'à la tombée de la nuit, le Colonel a décidé de faire creuser des tranchées sur une crête en arrière du village, la crête du moulin, pour abriter les troupes. Une véritable offensive, je te dis !