Samedi 5 septembre 1914 - Louan

Je me réveille. Ou plutôt, je viens d’être réveillé pour assurer mon service !

On a marché de 2h du matin à midi, 38km entre Fontaine-au-Bron et Louan. Installation du bivouac, puis reconditionnement de l’armement et des munitions, perception des vivres.

Hier, à 3h du matin, on a déjà dû quitter le cantonnement avec précipitation, sous la pression des boches. Le régiment devait assurer la garde des ponts sur la Marne, mais ça n’a pas tenu. Ils nous ont harcelés sur les 30km qui nous séparaient de Vauchamps. Le convoi a été désorganisé, ça partait dans tous les sens. Une chatte n’y aurait pas retrouvé ses petits. Et on n’a pas retrouvé tous les notres. 400 morts, blessés ou disparus, juste pour fuir l’ennemi ! 70km de retraite en 3 jours, c’est une bonne moyenne ! Je ne comprends pas, on gagnait tout le temps pendant les manœuvres pourtant…

Pour en rajouter, c’est la valse des grands chefs ! Mercredi, le Colonel Allier, qui commandait le régiment depuis le début, a paraît-il été limogé ! Va donc savoir pourquoi !? Courait pas assez vite? Hier, le commandant Denvignes, son remplaçant, a été blessé. Venu du 24e d’infanterie, il n’aura tenu que 2 jours. Et on voudrait être organisés ?!... Les ordres pour demain sont de continuer à marcher vers le sud, et de franchir la Seine au pont de Nogent. Peut-être qu'on aurait mieux fait de les attendre directement à Paris les boches, ça nous aurait épargné la balade.

Allez, je file. Le devoir m’appelle. Quelles bonnes nouvelles vais-je devoir apporter aux unités aujourd’hui ?... à suivre…