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AVORD ! Je ne cesse de répéter ce nom dans ma tête. Ecole de pilotage d’Avord. Fini les Verdun, infanterie, bombardements, boue, rats, froid : je suis élève pilote à Avord ! Et je n’en reviens toujours pas. Je réalise à peine. Et seulement maintenant, alors que j’ai rejoint l’aviation le 16 juin dernier.

Pas tout de suite Avord. Quand le Capitaine m’a appelé pour me dire de prendre mes affaires et de monter en voiture, je suis d’abord parti pour Dijon. Le 1er groupe d’aviation. Dijon, c’est l’instruction théorique : présentation des avions, connaissance des moteurs, du fonctionnement et de la construction des différents appareils de réglage, des phénomènes aérologiques … puis un examen de sortie qui permet de choisir son école d’affectation et l’appareil sur lequel on va voler. J’ai donc choisi d’être affecté à Avord, sur les avions Voisin.

Quelle joie que tous ces changements ! Si ce n’était l’été, cela serait le plus extraordinaire Noël de ma vie ! J’ai presque honte de l’avouer, mais j’étais à peine triste de quitter les copains. D’autant que je ne les ai pas abandonnés en pleine période de bagarre, au milieu des combats. Nous étions revenus en cantonnement entre Ligny-en-Barrois et Velaine, après trois semaines passées dans le secteur sud-est de Verdun. Trois semaines à nous faire tailler en pièce pour reconquérir coûte que coûte le moindre mètre de terrain perdu. Pour essayer de repousser les attaques boches. Pour verrouiller leurs tentatives de renversement et de victoire. Trois semaines sans sommeil, sans guère de nourriture. Trois semaines de peur incessante, de bombardements et de lacrymogènes. Trois semaines pour faire de nous des morts-vivants.

Le barnum des exercices et marches aux abords du cantonnement avait recommencé, et j’ai quitté une population de jeunes recrues que je connaissais à peine, renforts tous neufs destinés à compenser les pertes des semaines passées. Renforts de chair à canons toute fraîche.

Visiblement, ne m’en ont pas voulu les biffins de les quitter. Le 27 juillet, j’ai reçu ma deuxième citation. Et une deuxième étoile sur ma médaille. A l’ordre de la Brigade cette fois. Sûrement une demande du Chef de Corps, pas trop mécontent de mes services.

Le texte dit :

27 JUILLET 1916 - Ordre de la Brigade n° 82

Guérin, caporal, CHR

Le caporal Guérin Gabriel, du 28° régiment d’infanterie: agent de liaison brave et d’un grand sang-froid. A accompli aux affaires de juin 1916 avec un entrain et une vigueur remarquables, des missions difficiles. Au front depuis le début. Déjà cité à l’ordre du régiment.

Laconique. Mais je prends.

Alors que dire de ces bonheurs tous neufs ? J’apprends, je progresse, je me sens bien ici et je goûte à sa juste valeur le confort de l’école. Je suis impatient de la suite. Je sais que je vais devoir retourner me battre. La guerre n’est pas finie, même si pour le moment je m’en éloigne un peu. Mais je n’y retournerai pas comme rat de tranchée. J’y retournerai en seigneur. Pour mieux leur botter le cul à ces sales boches. Parole de Gaby.

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