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Samedi 29 mai 1915 - Fosseux

Nous venons d'arriver à Fosseux. Le temps d'installer le cantonnement, après un périple plutôt inattendu.

Mardi était prévue LA grande attaque. Déclenchement de l'offensive vers 12h30. Organisation des troupes, mise en configuration d'attaque avec la musette allégée et le plein de cartouches. Et là, rien ne s'est passé ! Nous devions suivre l'avancée du 24e dans sa bousculade de l'ennemi. A 16h45, nous étions toujours au point de départ, les troupes à l'assaut n'ayant pu déboucher qu'en partie.

En conséquence, nous avons reçu l'ordre de reprendre l'attaque à notre compte pour 18h45. Mais devant l'encombrement de l'unique boyau affecté aux mouvements vers l'avant, les bataillons n'ont pas pu être à pied d'oeuvre dans les délais. Finalement, à 19h30, ordre a été donné de reprendre les positions du matin ... Encore une belle démonstration d'énergie efficace et victorieuse ! Doivent se sentir à l'aise, les boches. Sont pas trop inquiétés par nos gesticulations. Ce n'est plus une guerre, c'est une immense constipation. Boyaux encombrés, difficultés à y progresser et à en sortir ... vues des tranchées ennemies, nos attaques doivent plus ressembler à des pets écrasés qu'à des déferlantes dantesques ! Bref, tout ça a des allures d'occlusion intestinale. D'ailleurs, nos batailles le sont, très intestines : nous passons plus de temps à éviter, croiser, nous cogner et vociférer contre nos propres camarades que contre les boches. Notre tranchée d'attaque est remplie de blessés se rendant isolément au poste de secours, de corvées de ravitaillement et de matériaux divers. Et une fois de plus, nous avons réussi à avoir des pertes sans même avoir progressé d'un mètre !

Mercredi, rebelote. Mise en place pour une nouvelle attaque précédée par une préparation d'artillerie. Ah, l'artillerie, quelle arme formidable ! Un coup trop long, un coup trop court ... un coup trop tard ! Là, on en est resté aux coups trop courts. Tellement courts qu'ils ont réussi à décimer nos 1ères lignes d'attaque avant même le début de l'offensive. Qui plus est, ils n'ont donc pas détruit non plus les mitrailleuses boches, qui ont pris un malin plaisir à hacher menu une autre partie de nos troupes. Quant à celles qui avaient un tant soit peu réussi à prendre du terrain, elles ont dû reculer devant les contre-attaques incessantes et furieuses des Allemands. A 20h, l'attaque était terminée ... faute de combattants. 21 officiers et 848 hommes perdus dans cette opération. Même le Colonel a été blessé et évacué. Retour à la case départ.

Les journées suivantes ont été occupées à essayer de remettre en état nos tranchées, sous le feu de l'ennemi. Puis relève dans la nuit de jeudi à vendredi. Récupération des havresacs laissés à Hersin en vue des attaques. Déplacement vers Fosseux. A pied. Puis en autos. Bienvenues.

Je suis dépité. Epuisé par tant de gâchis et d'incompétence. Nous avions une occasion unique de renverser le cours des choses, de l'Histoire aussi peut-être. Nous n'avons su que nous tirer des balles dans le pied. De quoi sont donc capables nos chefs ? Juste à parader en sabre et bel uniforme ? Tout cela manque de préparation, de jugeote, d'énergie guerrière. Les hommes se démènent dans des stratégies perdues d'avance. Précipitées. mal construites. Je suis atterré. Que sera la suite ?

Samedi 29 mai 1915 - Fosseux
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